프랑스어

La parure, Maupassant

뚝틀이 2015. 10. 31. 18:13

La parure, The Necklace

Guy de Maupassant

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C'était une de ces jolies et charmantes filles, nées, comme par une erreur du destin, dans une famille d'employés.

Elle n'avait pas de dot, pas d'espérances, aucun moyen d'être connue, comprise, aimée, épousée par un homme riche et distingué;

et elle se laissa marier avec un petit commis du ministère de l'Instruction publique.

She was one of those pretty and charming girls, born by a blunder of destiny in a family of employees.

She had no dowry, no expectations, no means of being known, understood, loved, married by a man rich and distinguished;

and she let them make a match for her with a little clerk in the Department of Education.

 

Elle fut simple, ne pouvant être parée, mais malheureuse comme une déclassée;

car les femmes n'ont point de caste ni de race, leur beauté, leur grâce et leur charme leur servant de naissance et de famille.

Leur finesse native, leur instinct d'élégance, leur souplesse d'esprit sont leur seule hiérarchie,

et font des filles du peuple les égales des plus grandes dames.

She was simple since she could not be adorned; but she was unhappy as though kept out of her own class;

for women have no caste and no descent, their beauty, their grace, and their charm serving them instead of birth and fortune.

Their native keenness, their instinctive elegance, their flexibility of mind, are their only hierarchy;

and these make the daughters of the people the equals of the most lofty dames.

 

Elle souffrait sans cesse, se sentant née pour toutes les délicatesses et tous les luxes.

Elle souffrait de la pauvreté de son logement, de la misère des murs, de l'usure des sièges, de la laideur des étoffes.

Toutes ces choses, dont une autre femme de sa caste ne se serait même pas aperçue, la torturaient et I'indignaient.

La vue de la petite Bretonne qui faisait son humble ménage éveillait en elle des regrets désolés et des rêves éperdus.

She suffered intensely, feeling herself born for every delicacy and every luxury.

She suffered from the poverty of her dwelling, from the worn walls, the abraded chairs, the ugliness of the stuffs.

All these things, which another woman of her caste would not even have noticed, tortured her and made her indignant.

The sight of the little girl from Brittany who did her humble housework awoke in her desolated regrets and distracted dreams.

 

Elle songeait aux antichambres nettes, capitonnées avec des tentures orientales, éclairées par de hautes torchères de bronze,

et aux deux grands valets en culotte courte qui dorment dans les larges fauteuils, assoupis par la chaleur lourde du calorifère.

Elle songeait aux grands salons vêtus de soie ancienne, aux meubles fins portant des bibelots inestimables,

et aux petits salons coquets parfumés, faits pour la causerie de cinq heures avec les amis les plus intimes,

les hommes connus et recherchés dont toutes les femmes envient et désirent l'attention.

She let her mind dwell on the quiet vestibules, hung with Oriental tapestries, lighted by tall lamps of bronze,

and on the two tall footmen in knee breeches who dozed in the large armchairs, made drowsy by the heat of the furnace.

She let her mind dwell on the large parlors, decked with old silk, with their delicate furniture, supporting precious bric-a-brac,

and on the coquettish little rooms, perfumed, prepared for the five o’clock chat with the most intimate friends,

men well known and sought after, whose attentions all women envied and desired.

 

Quand elle s'asseyait, pour dîner, devant la table ronde couverte d'une nappe de trois jours,

en face de son mari qui découvrait la soupière en déclarant d'un air enchanté:

"Ah! le bon pot-au-feu! je ne sais rien de meilleur que cela," elle songeait aux dîners fins, aux argenteries reluisantes,

aux tapisseries peuplant les murailles de personnages anciens et d'oiseaux étranges au milieu d'une forêt de féerie;

elle songeait aux plats exquis servis en des vaisselles merveilleuses,

aux galanteries chuchotées et écoutées avec un sourire de sphinx,

tout en mangeant la chair rose d'une truite ou des ailes de gélinotte.

When she sat down to dine, before a tablecloth three days old, in front of her husband,

who lifted the cover of the tureen, declaring with an air of satisfaction,

“Ah, the good pot-au-feu. I don’t know anything better than that,” she was thinking of delicate repasts, with glittering silver,

with tapestries peopling the walls with ancient figures and with strange birds in a fairy-like forest;

she was thinking of exquisite dishes, served in marvelous platters,

of compliment whispered and heard with a sphinx-like smile,

while she was eating the rosy flesh of a trout or the wings of a quail.

 

Elle n'avait pas de toilettes, pas de bijoux, rien.

Et elle n'aimait que cela; elle se sentait faite pour cela.

Elle eût tant désiré plaire, être enviée, être séduisante et recherchée.

Elle avait une amie riche, une camarade de couvent qu'elle ne voulait plus aller voir, tant elle souffrait en revenant.

Et elle pleurait pendant des jours entiers, de chagrin, de regret, de désespoir et de détresse.

She had no dresses, no jewelry, nothing.

And she loved nothing else; she felt herself made for that only.

She would so much have liked to please, to be envied, to be seductive and sought after.

She had a rich friend, a comrade of her convent days, whom she did not want to go and see any more, so much did she suffer as she came away.

And she wept all day long, from chagrin, from regret, from despair, and from distress.

 

Or, un soir, son mari rentra, l'air glorieux et tenant à la main une large enveloppe.

-Tiens, dit-il, voici quelque chose pour toi.

Elle déchira vivement le papier et en tira une carte qui portait ces mots:

"Le ministre de l'Instruction publique et Mme Georges Ramponneau prient M. et Mme Loisel de leur faire l'honneur de venir passer la soirée à l'hôtel du ministère, le lundi 18 janvier."

But one evening her husband came in with a proud air, holding in his hand a large envelope.

“There,” said he, “there’s something for you.”

She quickly tore the paper and took out of it a printed card which bore these words:—

“The Minister of Education and Mme. Georges Rampouneau beg M. and Mme. Loisel to do them the honor to pass the evening with them at the palace of the Ministry, on Monday, January 18.”

 

Au lieu d'être ravie, comme l'espérait son mari, elle jeta avec dépit l'invitation sur la table, murmurant:

- Que veux-tu que je fasse de cela?

- Mais, ma chérie, je pensais que tu serais contente.

  Tu ne sors jamais, et c'est une occasion, cela, une belle!

  J'ai eu une peine infinie à l'obtenir.

  Tout le monde en veut; c'est très recherché et on n'en donne pas beaucoup aux employés.

  Tu verras là tout le monde officiel.

Instead of being delighted, as her husband hoped, she threw the invitation on the table with annoyance, murmuring—

“What do you want me to do with that?”

“But, my dear, I thought you would be pleased.

 You never go out, and here’s a chance, a fine one.

 I had the hardest work to get it.

 Everybody is after them; they are greatly sought for and not many are given to the clerks.

 You will see there all the official world.”

 

Elle le regardait d'un oeil irrité, et elle déclara avec impatience:

- Que veux-tu que je me mette sur le dos pour aller là?

Il n'y avait pas songé; il balbutia:

- Mais la robe avec laquelle tu vas au théâtre. Elle me semble très bien, à moi...

Il se tut, stupéfait, éperdu, en voyant que sa femme pleurait.

Deux grosses larmes descendaient lentement des coins des yeux vers les coins de la bouche; il bégaya:

- Qu'as-tu? qu'as-tu?

She looked at him with an irritated eye and she declared with impatience:—

“What do you want me to put on my back to go there?”

He had not thought of that; he hesitated:—

“But the dress in which you go to the theater. That looks very well to me—”

He shut up, astonished and distracted at seeing that his wife was weeping.

Two big tears were descending slowly from the corners of the eyes to the corners of the mouth. He stuttered:—

What’s the matter? What’s the matter?”

 

Mais, par un effort violent, elle avait dompté sa peine et elle répondit d'une voix calme en essuyant ses joues humides:

- Rien. Seulement je n'ai pas de toilette et par conséquent, je ne peux aller à cette fête.

  Donne ta carte à quelque collègue dont la femme sera mieux nippée que moi.

Il était désolé. Il reprit:

- Voyons, Mathilde.

  Combien cela coûterait-il, une toilette convenable, qui pourrait te servir encore en d'autres occasions, quelque chose de très simple?

But by a violent effort she had conquered her trouble, and she replied in a calm voice as she wiped her damp cheeks:

“Nothing. only I have no clothes, and in consequence I cannot go to this party.

 Give your card to some colleague whose wife has a better outfit than I.”

He was disconsolate. He began again:—

“See here, Mathilde,

 how much would this cost, a proper dress, which would do on other occasions; something very simple?”

 

Elle réfléchit quelques secondes, établissant ses comptes et songeant aussi à la somme qu'elle pouvait demander sans s'attirer un refus immédiat et une exclamation effarée du commis économe.

Enfin, elle répondit en hésitant:

- Je ne sais pas au juste, mais il me semble qu'avec quatre cents francs je pourrais arriver.

She reflected a few seconds, going over her calculations, and thinking also of the sum which she might ask without meeting an immediate refusal and a frightened exclamation from the frugal clerk.

At last, she answered hesitatingly:

“I don’t know exactly, but it seems to me that with four hundred francs I might do it.”

 

ll avait un peu pâli, car il réservait juste cette somme pour acheter un fusil et s'offrir des parties de chasse, l'été suivant, dans la plaine de Nanterre, avec quelques amis qui allaient tirer des alouettes, par là, le dimanche.

Il dit cependant:

- Soit. Je te donne quatre cents francs. Mais tâche d'avoir une belle robe.

He grew a little pale, for he was reserving just that sum to buy a gun and treat himself to a little shooting, the next summer, on the plain of Nanterre, with some friends who used to shoot larks there on Sundays.

But he said:—

“All right. I will give you four hundred francs. But take care to have a pretty dress.”

 

Le jour de la fête approchait, et Mme Loisel semblait triste, inquiète, anxieuse. Sa toilette était prête cependant.

Son mari lui dit un soir:

- Qu'as-tu? Voyons, tu es toute drôle depuis trois jours.

Et elle répondit:

- Cela m'ennuie de n'avoir pas un bijou, pas une pierre, rien à mettre sur moi.

  J'aurai l'air misère comme tout. J'aimerais presque mieux ne pas aller à cette soirée.

Il reprit:

- Tu mettras des fleurs naturelles. C'est très chic en cette saison-ci.

  Pour dix francs tu auras deux ou trois roses magnifiques.

The day of the party drew near, and Mme. Loisel seemed sad, restless, anxious. Yet her dress was ready.

One evening her husband said to her:—

“What’s the matter? Come, now, you have been quite queer these last three days.”

And she answered:—

“It annoys me not to have a jewel, not a single stone, to put on.

 I shall look like distress. I would almost rather not go to this party.”

He answered:

“You will wear some natural flowers. They are very stylish this time of the year.

 For ten francs you will have two or three magnificent roses.”

 

Elle n'était point convaincue.

- Non... il n'y a rien de plus humiliant que d'avoir l'air pauvre au milieu de femmes riches.

Mais son mari s'écria:

- Que tu es bête! Va trouver ton amie Mme Forestier et demande-lui de te prêter des bijoux.

  Tu es bien assez liée avec elle pour faire cela.

Elle poussa un cri de joie.

- C'est vrai. Je n'y avais point pensé.

But she was not convinced.

“No; there’s nothing more humiliating than to look poor among a lot of rich women.”

But her husband cried:—

“What a goose you are! Go find your friend, Mme. Forester, and ask her to lend you some jewelry.

 You know her well enough to do that.”

She gave a cry of joy:—

“That’s true. I had not thought of it.”

 

Le lendemain, elle se rendit chez son amie et lui conta sa détresse.

Mme Forestier alla vers son armoire à glace, prit un large coffret, l'apporta, l'ouvrit, et dit à Mme Loisel:

- Choisis, ma chère.

Elle vit d'abord des bracelets, puis un collier de perles, puis une croix vénitienne, or et pierreries, d'un admirable travail.

Elle essayait les parures devant la glace, hésitait, ne pouvait se décider à les quitter, à les rendre.

The next day she went to her friend’s and told her about her distress.

Mme. Forester went to her mirrored wardrobe, took out a large casket, brought it, opened it, and said to Mme. Loisel:

“Choose, my dear.”

She saw at first bracelets, then a necklace of pearls, then a Venetian cross of gold set with precious stones of an admirable workmanship.

She tried on the ornaments before the glass, hesitated, and could not decide to take them off and to give them up.

 

Elle demandait toujours:

- Tu n'as plus rien d'autre?

- Mais si. Cherche. Je ne sais pas ce qui peut te plaire.

She kept on asking:—

“You haven’t anything else?”

“Yes, yes. Look. I do not know what will happen to please you.”

 

Tout à coup elle découvrit, dans une boîte de satin noir, une superbe rivière de diamants;

et son coeur se mit à battre d'un désir immodéré.

Ses mains tremblaient en la prenant.

Elle l'attacha autour de sa gorge, sur sa robe montante, et demeura en extase devant elle-même.

Puis, elle demanda, hésitante, pleine d'angoisse:

- Peux-tu me prêter cela, rien que cela?

- Mais oui, certainement.

Elle sauta au cou de son amie, l'embrassa avec emportement, puis s'enfuit avec son trésor.

All at once she discovered, in a box of black satin, a superb necklace of diamonds, and her heart began to beat with boundless desire.

Her hands trembled in taking it up.

She fastened it round her throat, on her high dress, and remained in ecstasy before herself.

Then, she asked, hesitating, full of anxiety:—

“Can you lend me this, only this?”

“Yes, yes, certainly.”

She sprang to her friend’s neck, kissed her with ardor, and then escaped with her treasure.

 

Le jour de la fête arriva. Mme Loisel eut un succès.

Elle était plus jolie que toutes, élégante, gracieuse, souriante et folle de joie.

Tous les hommes la regardaient, demandaient son nom, cherchaient à être présentés.

Tous les attachés du cabinet voulaient valser avec elle. Le Ministre la remarqua.

Elle dansait avec ivresse, avec emportement, grisée par le plaisir, ne pensant plus à rien,

dans le triomphe de sa beauté, dans la gloire de son succès, dans une sorte de nuage de bonheur fait de tous ces hommages,

de toutes ces admirations, de tous ces désirs éveillés, de cette victoire si complète et si douce au coeur des femmes.

The day of the party arrived. Mme. Loisel was a success.

She was the prettiest of them all, elegant, gracious, smiling, and mad with joy.

All the men were looking at her, inquiring her name, asking to be introduced.

All the attaches of the Cabinet wanted to dance with her. The Minister took notice of her.

She danced with delight, with passion, intoxicated with pleasure, thinking of nothing,

in the triumph of her beauty, in the glory of her success, in a sort of cloud of happiness made up of all these tributes, of all the admirations, of all these awakened desires, of this victory so complete and so sweet to a woman’s heart.

 

Elle partit vers quatre heures du matin.

Son mari, depuis minuit, dormait dans un petit salon désert avec trois autres messieurs dont les femmes s'amusaient beaucoup.

She went away about four in the morning.

Since midnight—her husband has been dozing in a little anteroom with three other men whose wives were having a good time.

 

Il lui jeta sur les épaules les vêtements qu'il avait apportés pour la sortie, modestes vêtements de la vie ordinaire, dont la pauvreté jurait avec l'élégance de la toilette de bal.

Elle le sentit et voulut s'enfuir, pour ne pas être remarquée par les autres femmes qui s'enveloppaient de riches fourrures.

He threw over her shoulders the wraps he had brought to go home in, modest garments of every-day life, the poverty of which was out of keeping with the elegance of the ball dress.

She felt this, and wanted to fly so as not to be noticed by the other women, who were wrapping themselves up in rich furs.

 

Loisel la retenait:

- Attends donc. Tu vas attraper froid dehors. Je vais appeler un fiacre.

Mais elle ne l'écoutait point et descendait rapidement l'escalier.

Lorsqu'ils furent dans la rue, ils ne trouvèrent pas de voiture;

et ils se mirent à chercher, criant après les cochers qu'ils voyaient passer de loin.

Ils descendaient vers la Seine, désespérés, grelottants.

Enfin, ils trouvèrent sur le quai un de ces vieux coupés noctambules qu'on ne voit dans Paris que la nuit venue, comme s'ils eussent été honteux de leur misère pendant le jour.

Loisel kept her back—

“Wait a minute; you will catch cold outside; I’ll call a cab.”

But she did not listen to him, and went downstairs rapidly.

When they were in the street, they could not find a carriage,

and they set out in search of one, hailing the drivers whom they saw passing in the distance.

They went down toward the Seine, disgusted, shivering.

Finally, they found on the Quai one of those old night-hawk cabs which one sees in Paris only after night has fallen, as though they are ashamed of their misery in the daytime.

 

Il les ramena jusqu'à leur porte, rue des Martyrs, et ils remontèrent tristement chez eux.

C'était fini, pour elle. Et il songeait, lui, qu'il lui faudrait être au Ministère à dix heures.

Elle ôta les vêtenoents dont elle s'était enveloppé les épaules, devant la glace, afin de se voir encore une fois dans sa gloire.

It brought them to their door, rue des Martyrs; and they went up their own stairs sadly.

For her it was finished. And he was thinking that he would have to be at the Ministry at ten o’clock.

She took off the wraps with which she had covered her shoulders, before the mirror, so as to see herself once more in her glory.

 

Mais soudain elle poussa un cri. Elle n'avait plus sa rivière autour du cou!

Son mari, à moitié dévêtu déjà, demanda:

- Qu'est-ce que tu as?

Elle se tourna vers lui, affolée:

- J'ai... j'ai... je n'ai plus la rivière de Mme Forestier.

Il se dressa, éperdu:

- Quoi!... comment!... Ce n'est pas possible!

But suddenly she gave a cry. She no longer had the necklace around her throat!

Her husband, half undressed already, asked—

“What is the matter with you?”

She turned to him, terror-stricken:—

“I—I—I have not Mme. Forester’s diamond necklace!”

He jumped up, frightened—

“What? How? It is not possible!”

 

Et ils cherchèrent dans les plis de la robe, dans les plis du manteau, dans les poches, partout.

Ils ne la trouvèrent point.

Il demandait:

- Tu es sûre que tu l'avais encore en quittant le bal?

- Oui, je l'ai touchée dans le vestibule du Ministère.

- Mais si tu l'avais perdue dans la rue, nous l'aurions entendue tomber. Elle doit être dans le fiacre.

- Oui. C'est probable. As-tu pris le numéro?

- Non. Et toi, tu ne l'as pas regardé?

- Non.

And they searched in the folds of the dress, in the folds of the wrap, in the pockets, everywhere.

They did not find it.

He asked:—

“Are you sure you still had it when you left the ball?”

“Yes, I touched it in the vestibule of the Ministry.”

“But if you had lost it in the street, we should have heard it fall. It must be in the cab.”

“Yes. That is probable. Did you take the number?”

“No. And you—you did not even look at it?”

“No.”

 

Ils se contemplaient atterrés. Enfin Loisel se rhabilla.

- Je vais, dit-il, refaire tout le trajet que nous avons fait à pied, pour voir si je ne la retrouverai pas.

Et il sortit. Elle demeura en toilette de soirée, sans force pour se coucher, abattue sur une chaise, sans feu, sans pensée.

Son mari rentra vers sept heures. Il n'avait rien trouvé.

They gazed at each other, crushed. At last Loisel dressed himself again.

“I’m going,” he said, “back the whole distance we came on foot, to see if I cannot find it.”

And he went out. She stayed there, in her ball dress, without strength to go to bed, overwhelmed, on a chair, without a fire, without a thought.

Her husband came back about seven o’clock. He had found nothing.

 

Il se rendit à la Préfecture de police, aux journaux, pour faire promettre une récompense, aux compagnies de petites voitures, partout enfin où un soupçon d'espoir le poussait.

Elle attendit tout le jour, dans le même état d'effarement devant cet affreux désastre.

Loisel revint le soir, avec la figure creusée, pâlie; il n'avait rien découvert.

- Il faut, dit-il, écrire à ton amie que tu as brisé la fermeture de sa rivière et que tu la fais réparer.

Cela nous donnera le temps de nous retourner.

Elle écrivit sous sa dictée.

Then he went to police headquarters, to the newspapers to offer a reward, to the cab company; he did everything, in fact, that a trace of hope could urge him to.

She waited all day, in the same dazed state in face of this horrible disaster.

Loisel came back in the evening, with his face worn and white; he had discovered nothing.

“You must write to your friend,” he said, “that you have broken the clasp of her necklace and that you are having it repaired. That will give us time to turn around.”

She wrote as he dictated.

 

Au bout d'une semaine, ils avaient perdu toute espérance.

Et Loisel, vieilli de cinq ans, déclara:

- Il faut aviser à remplacer ce bijou.

Ils prirent, le lendemain, la boîte qui l'avait renfermé, et se rendirent chez le joaillier, dont le nom se trouvait dedans.

Il consulta ses livres:

- Ce n'est pas moi, madame, qui ai vendu cette rivière; j'ai dû seulement fournir l'écrin.

At the end of a week they had lost all hope.

And Loisel, aged by five years, declared:—

“We must see how we can replace those jewels.” 87

The next day they took the case which had held them to the jeweler whose name was in the cover.

He consulted his books.

“It was not I, madam, who sold this necklace. I only supplied the case.”

 

Alors ils allèrent de bijoutier en bijoutier, cherchant une parure pareille à l'autre,

consultant leurs souvenirs, malades tous deux de chagrin et d'angoisse.

Then they went from jeweler to jeweler, looking for a necklace like the other,

consulting their memory,—sick both of them with grief and anxiety.

 

Ils trouvèrent, dans une boutique du PalaisRoyal,

un chapelet de diamants qui leur parut entièrement semblable à celui qu'ils cherchaient.

Il valait quarante mille francs. on le leur laisserait à trente-six mille.

Ils prièrent donc le joaillier de ne pas le vendre avant trois jours.

Et ils firent condition qu'on le reprendrait pour trente-quatre mille francs, si le premier était retrouvé avant la fin de février.

In a shop in the Palais Royal,

they found a diamond necklace that seemed to them absolutely like the one they were seeking.

It was priced forty thousand francs. They could have it for thirty-six.

They begged the jeweler not to sell it for three days.

And they made a bargain that he should take it back for thirty-four thousand, if the first was found before the end of February.

 

Loisel possédait dix-huit mille francs que lui avait laissés son père. Il emprunterait le reste.

Il emprunta, demandant mille francs à I'un, cinq cents à l'autre, cinq louis par-ci, trois louis par-là.

Il fit des billets, prit des engagements ruineux, eut affaire aux usuriers, à toutes les races de prêteurs.

Loisel possessed eighteen thousand francs which his father had left him. He had to borrow the remainder.

He borrowed, asking a thousand francs from one, five hundred from another, five here, three louis there.

He gave promissory notes, made ruinous agreements, dealt with usurers, with all kinds of lenders.

 

Il compromit toute la fin de son existence, risqua sa signature sans savoir même s'il pourrait y faire honneur, et, épouvanté par les angoisses de l'avenir, par la noire misère qui allait s'abattre sur lui, par la perspective de toutes les privations physiques et de toutes les tortures morales, il alla chercher la rivière nouvelle, en déposant sur le comptoir du marchand trente-six mille francs.

He compromised the end of his life, risked his signature without even knowing whether it could be honored; and, frightened by all the anguish of the future, by the black misery which was about to settle down on him, by the perspective of all sorts of physical deprivations and of all sorts of moral tortures, he went to buy the new diamond necklace, laying down on the jeweler’s counter thirty-six thousand francs.

 

Quand Mme Loisel reporta la parure à Mme Forestier, celle-ci lui dit, d'un air froissé:

- Tu aurais dû me la rendre plus tôt, car je pouvais en avoir besoin.

Elle n'ouvrit pas l'écrin, ce que redoutait son amie.

Si elle s'était aperçue de la substitution, qu'auraitelle pensé?

qu'aurait-elle dit? Ne l'aurait-elle pas prise pour une voleuse?

When Mme. Loisel took back the necklace to Mme. Forester, the latter said, with an irritated air:—

“You ought to have brought it back sooner, for I might have needed it.”

She did not open the case, which her friend had been fearing.

If she had noticed the substitution, what would she have thought?

What would she have said? Might she not have been taken for a thief?

 

Mme Loisel connut la vie horrible des nécessiteux.

Elle prit son parti, d'ailleurs, tout d'un coup, héroïquement.

Il fallait payer cette dette effroyable. Elle payerait.

Mme. Loisel learned the horrible life of the needy.

She made the best of it, moreover, frankly, heroically.

The frightful debt must be paid. She would pay it.

 

On renvoya la bonne; on changea de logement; on loua sous les toits une mansarde.

Elle connut les gros travaux du ménage, les odieuses besognes de la cuisine.

Elle lava la vaisselle, usant ses ongles roses sur les poteries grasses et le fond des casseroles.

Elle savonna le linge sale, les chemises et les torchons, qu'elle faisait sécher sur une corde; elle descendit à la rue,

chaque matin, les ordures, et monta l'eau, s'arrêtant à chaque étage pour souffler.

Et, vêtue comme une femme du peuple, elle alla chez le fruitier, chez l'épicier, chez le boucher,

le panier au bras, marchandant, injuriée, défendant sou à sou son misérable argent.

They dismissed the servant; they changed their rooms; they took an attic under the roof.

She learned the rough work of the household, the odious labors of the kitchen.

She washed the dishes, wearing out her pink nails on the greasy pots and the bottoms of the pans.

She washed the dirty linen, the shirts and the towels, which she dried on a rope; she carried down the garbage to the street every morning, and she carried up the water, pausing for breath on every floor.

And, dressed like a woman of the people, she went to the fruiterer, the grocer, the butcher,

a basket on her arm, bargaining, insulted, fighting for her wretched money, sou by sou.

 

Il fallait chaque mois payer des billets, en renouveler d'autres, obtenir du temps.

Le mari travaillait, le soir, à mettre au net les comptes d'un commercant, et la nuit, souvent, il faisait de la copie à cinq sous la page.

Et cette vie dura dix ans.

Au bout de dix ans, ils avaient tout restitué, tout, avec le taux de l'usure, et l'accumulation des intérêts superposés.

Every month they had to pay notes, to renew others to gain time.

The husband worked in the evening keeping up the books of a shopkeeper, and at night often he did copying at five sous the page.

And this life lasted ten years.

At the end of ten years they had paid everything back, everything, with the rates of usury and all the accumulation of heaped-up interest.

 

Mme Loisel semblait vieille, maintenant. Elle était devenue la femme forte, et dure, et rude, des ménages pauvres.

Mal peignée, avec les jupes de travers et les mains rouges, elle parlait haut, lavait à grande eau les planchers.

Mais parfois, lorsque son mari était au bureau, elle s'asseyait auprès de la fenêtre, et elle songeait à cette soirée d'autrefois, à ce bal où elle avait été si belle et si fêtée.

Que serait-il arrivé si elle n'avait point perdu cette parure? Qui sait? qui sait?

Comme la vie est singulière, changeante! Comme il faut peu de chose pour vous perdre ou vous sauver!

Mme. Loisel seemed aged now. She had become the robust woman, hard and rough, of a poor household.

Badly combed, with her skirts awry and her hands red, her voice was loud, and she washed the floor with splashing water.

But sometimes, when her husband was at the office, she sat down by the window and she thought of that evening long ago, of that ball, where she had been so beautiful and so admired.

What would have happened if she had not lost that necklace? Who knows? Who knows?

How singular life is, how changeable! What a little thing it takes to save you or to lose you.

 

Or, un dimanche, comme elle était allée faire un tour aux Champs-Elysées pour se délasser des besognes de la semaine, elle aperçut tout à coup une femme qui promenait un enfant. C'était Mme Forestier, toujours jeune, toujours belle, toujours séduisante.

Mme Loisel se sentit émue. Allait-elle lui parler? Oui, certes. Et maintenant qu'elle avait payé, elle lui dirait tout. Pourquoi pas?

Then, one Sunday, as she was taking a turn in the Champs Elysées, as a recreation after the labors of the week, she perceived suddenly a woman walking with a child. It was Mme. Forester, still young, still beautiful, still seductive.

Mme. Loisel felt moved. Should she speak to her? Yes, certainly. And now that she had paid up, she would tell her all. Why not?

 

Elle s'approcha.

- Bonjour, Jeanne.

L'autre ne la reconnaissait point, s'étonnant d'être appelée ainsi familièrement par cette bourgeoise.

Elle balbutia:

- Mais... madame!... Je ne sais... Vous devez vous tromper.

- Non. Je suis Mathilde Loisel.

Son amie poussa un cri.

- Oh!... ma pauvre Mathilde, comme tu es changée!...

- Oui, j'ai eu des jours bien durs, depuis que je ne t'ai vue; et bien des misères... et cela à cause de toi!...

- De moi . . . Comment ça?

- Tu te rappelles bien cette rivière de diamants que tu m'as prêtée pour aller à la fête du Ministère.

- Oui. Eh bien?

- Eh bien, je l'ai perdue.

- Comment! puisque tu me l'as rapportée.

She drew near.

“Good morning, Jeanne.”

The other did not recognize her, astonished to be hailed thus familiarly by this woman of the people.

She hesitated.

“But—madam—I don’t know—are you not making a mistake?”

“No. I am Mathilde Loisel.”

Her friend gave a cry—

“Oh!—My poor Mathilde, how you are changed.”

“Yes, I have had hard days since I saw you, and many troubles,—and that because of you.”

“Of me?—How so?”

“You remember that diamond necklace that you lent me to go to the ball at the Ministry?”

“Yes. And then?”

“Well, I lost it.”

“How can that be?—since you brought it back to me?”

 

- Je t'en ai rapporté une autre toute pareille. Et voilà dix ans que nous la payons.

Tu comprends que ça n'était pas aisé pour nous, qui n'avions rien... Enfin c'est fini, et je suis rudement contente.

Mme Forestier s'était arrêtée.

- Tu dis que tu as acheté une rivière de diamants pour remplacer la mienne?

- Oui. Tu ne t'en étais pas aperçue, hein! Elles étaient bien pareilles.

Et elle souriait d'une joie orgueilleuse et naïve.

Mme Forestier, fort émue, lui prit les deux mains.

- Oh! ma pauvre Mathilde! Mais la mienne était fausse. Elle valait au plus cinq cents francs!

“I brought you back another just like it.

And now for ten years we have been paying for it.

You will understand that it was not easy for us, who had nothing. At last, it is done, and I am mighty glad.”

Mme. Forester had guessed.

“You say that you bought a diamond necklace to replace mine?”

“Yes. You did not notice it, even, did you? They were exactly alike?”

And she smiled with proud and naïve joy.

Mme. Forester, much moved, took her by both hands:—

“Oh, my poor Mathilde. But mine were false. At most they were worth five hundred francs!”

 

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