프랑스어

프랑스어, Brocéliande의 ‘Peut-être ...’

뚝틀이 2018. 5. 31. 23:29


hfr 프랑스어, Brocéliande‘Peut-être ...’

 

Quelle heure est-il ?

 

Il est l'heure d'hiver, le jour se dérobe si vite...                                                                   el día va tan rápido

J'ai froid. La rue est trop sombre, le noir rend les choses opaques.

On va avancer, on ira jusqu'au bout du ciel, là où le soleil revient chaque jour...

 

Tu veux dire, loin, là-bas, vers les pays chauds où chaque couleur en entraîne une autre ?

                                                              - ¿Te refieres, ahora, a los países cálidos donde cada color lleva a otro?

 

C'est ça !

 

Il est vingt-trois heures dans la lourde nuit de décembre, les chats des rues se sont cachés, aucun chien n'aboie.                                                                                  die Straßenkatzen haben sich versteckt, kein Hund bellt.

Au froid glacial s'ajoute un silence nu, presque effrayant, ce silence qui est presque une menace quand on se sent perdu.

Les petites silhouettes, à peine esquissées sur les traits du monde, ont du mal à se sentir réelles. L'une d'elle tremble, l'autre soupire. Elles n'ont pas de nom, personne n'a pensé à leur en donner un ; elles sont de passage, et si elles sont nées ici il y a peu de temps, c'est que le hasard l'a voulu ainsi.

                    wenn sie vor kurzem hier geboren wurden, dann deshalb, weil der Zufall es so gewünscht hat.

 

Elles se sont rencontré à vingt-trois heures vingt-six, il y a quelques jours, dans un parc de la ville, vers un lac presque gelé.       vor ein paar Tagen, in einem Park in der Stadt, in Richtung eines fast gefrorenen Sees.

C'était beau, le givre avait dentelé la végétation et ce grand jardin public ressemblait à un monde de soie-cristal. Elles se sont reconnues tout de suite, elles se ressemblaient tant. Il y avait Lui et Elle... C'est Elle qui tremblait.                                                                                                      sah aus wie eine Welt aus Seidenkristall.  

 

Le clocher de l'église du quartier se met à sonner et trouble momentanément le silence hivernal.

 

Qu'est-ce qu'on fait ? lui demande-t-elle

 

On suit le Rhône, il va jusqu'à la mer. Allez... on décolle !

 

Le froid a diminué, le ciel a pris une drôle de couleur jaune et quelques flocons commencent à s'égrainer sur la ville.                                                                                  einige Flocken beginnen auf der Stadt zu streichen.

Alors ils s'enfuient, c'est le bon moment ! Le monde est à eux, vaste et prometteur, ils ne veulent rien voir d'autre que cela. Après tout, c'est la nuit de Noël et puis, ils ne sont que deux petits flamants roses... rose comme la vie peut l'être parfois !

Ils s'envolent vers le soleil et percent le silence d'un éclat de promesses.

 

Au moment où Hans termina sa lecture, Ludivine de Bouilly éclata de rire :

 

C'est ça ton nouveau chef d'oeuvre, ton manuscrit inédit ! Des lignes banales sur deux flamants dont tout le monde se moque ! Et tu crois que je peux adhérer à ça ? on s'ennuie... c'est trop simple, ça sert à rien ! 

                                                                                                  Uns ist langweilig ... es ist zu einfach, es ist nutzlos!

 

Ça s'appelle un conte poétique, soupira le jeune auteur.

 

Eh ! Andersen ! Faudra le revoir ton conte si tu veux le vendre ! Arrête de croire que la terre est pour les rêveurs !                                                                                      Hör auf zu denken, dass die Erde für Träumer ist!

Grand Dieu, c'est à toi de décoller ! J'attends un nouveau texte, un conte réaliste et tu as une semaine... sinon t'iras ramasser des pâquerettes ailleurs ! Mets-moi du sang, du sexe et des guerres, la mort ça rapporte... Et puis ajoute quelques gros mots, ça aussi, ça s'vend bien !

 

Hans Christian Andersen soupira une nouvelle fois. Qu'importe !

Il avait déjà une nouvelle idée. Il hésitait encore mais en allumant sa cigarette, il prit sa décision. Sa prochaine histoire serait celle de « La Petite Fille aux allumettes », à moins, à moins qu'il ne se décidât pour « Le Vilain Petit Canard ».

Sûr que ces contes-là auraient du succès ! Il le sentait. Après tout, c'était Noël...

 

La neige tombait toujours sur la ville. Hans marchait doucement, quelque chose attira son regard, il se baissa et ramassa sur le trottoir une petite plume blanche, beige, rosée... et une autre plus blanche que rose, et plus grande.

Il comprit.

Les livres parlent. Ils ont cette sagesse folle que seul l'imaginaire peut accorder de temps en temps. Ils donnent à la réalité la liberté délicieuse de se déformer pour un instant, un instant seulement, dans des émotions fébriles et délicates, prouvant que l'homme a besoin de rêver.

 

Ses flamants étaient arrivés à bon port et lui avaient laissé un message comme une signature d'ailes...

Ils vivraient heureux.

Là-bas.

Sous le soleil d'Ailleurs.

 

Hans Christian Andersen sourit. on reparlerait de lui, c'est certain !

L'éternité des contes est une réalité. Puissante. Indéniable.

 

Ludivine de Bouilly venait de s'en rendre compte et décida à l'avenir d'être plus courtoise avec les jeunes auteurs. Sa secrétaire arriva :

 

Madame, il y a monsieur Perrault et monsieur Grimm qui vous attendent.

 

Ludivine les fit entrer.

 

Dehors, la neige tombait encore et un groupe d'étourneaux bavards s'envolait vers le soleil.